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Souvenons-nous : avril-mai 1988

Le 22 avril 1988, sur l’île d’Ouvéa comme dans toute la Nouvelle-Calédonie se prépare le premier tour des élections présidentielles prévu pour le 24 avril. En février de cette année, le congrès du FLNKS (Front de Libération National Kanak Socialiste) de Tibarama à Poindimié donne comme mot d’ordre le boycott de ces élections en laissant l’autonomie d’action aux Comités de lutte (CDL) sur le terrain. Cette décision s’explique aussi par le refus des indépendantistes du nouveau statut Pons (Pons II) qui a redécoupé les régions en leur enlevant des compétences et en diminuant leurs ressources (voir ci-dessous le tableau des régions prévues). Il s’agit donc aussi pour les Calédoniens d’élire le même jour,  leurs représentants aux régions en NC et un président pour la France. Dans les zones à majorité kanak et indépendantiste, les élections sont perturbées, sous la responsabilité de chaque CDL, c’est le cas à Ouvéa.

Région îles LoyautéLifouMaréOuvéa Région SudNouméaPaitaDumbéa

Mont-Dore

Région CentreIles des PinsYatéThio

Bouloupari

La Foa

Sarraméa

Farino

Canala

Houailou

Poya

Bourail

Région NordPonérihouenPoindimiéTouho

Hienghène

Pouébo

Ouégoa

Poum

Koumac

Gomen

Voh

Koné

Pouembout

 

Le 21 avril 1988, une  réunion en comité restreint est organisée à la tribu de Wadrilla, où une décision est prise, dans le cadre de la liberté d’action accordée aux CDL par le FLNKS, d’investir la gendarmerie située à Fayaoué. Ce genre d’action a déjà été tenté et réussi par des CDL de la Grande Terre, notamment avec Eloi Machoro, sans faire de victimes chez les gendarmes.

Le 22 avril 1988 au matin, sous le prétexte  d’une vente de produits de la pêche que les gendarmes avaient  l’habitude d’acheter, un groupe d’une vingtaine de personnes investit la gendarmerie. Cette action que le CDL d’Ouvéa a voulue  pacifique,  mais déterminée,  aboutit au décès de trois gendarmes dans un premier temps. Un quatrième décédera plus tard. Le niveau atteint par la gravité des faits exige pour les militants indépendantistes, un point de non retour, qui a été envisagé par les plus déterminés d’entre eux, comme leur chef Alphonse Dianou, mais pas par la majorité des militants.

Le 24 avril, la gendarmerie est dessaisie des opérations sur l’île au profit de l’armée dont l’autorité est représentée par le général Vidal Victor commandant supérieur des forces armées de NC. Le haut commissaire Clément Bouhin signe deux réquisitions, chargeant l’armée du maintien de l’ordre et permettant l’emploi de la force et les armes utiles. Voici le contenu de la réquisition particulière prévue par une loi de décembre 1791 : « Aucun corps ou détachement de troupes de ligne ne peut agir dans l’intérieur du royaume sans une réquisition légale » ; la deuxième stipule « L’emploi de la force pour l’exécution de la présente réquisition comporte l’usage des armes ». Ouvéa est coupé du monde, la France fait la guerre sur une partie de son territoire en temps de paix.

Au matin du 5 mai à 6h10, l’opération « Victor » est engagée. Le groupe qui va à l’assaut de la grotte de Watetö est composé de 130 hommes, constituant l’élite de l’armée française :

Armes, spécialités Effectif d’hommes Rôle dans le dispositif
RIMA 26 Surveillance de la DZ, brancard
EPIGN 40 Balisage et protection du chemin
11ème Choc 34 Contact direct, investir la grotte (Est)
Commandos Hubert 16 Contact direct, investir la grotte (Nord)
GIGN 14 Contact direct, investir la grotte (centre)
TOTAL 130 3 armes : Terre,Marine,Gendarmerie

 

Le premier assaut qui débute vers 6h25 donne le bilan humain suivant : 12 preneurs d’otages tués,  2 morts pour le 11ème Choc (L’adjudant Régis Pedrazza 32 ans et le 1ère Classe Yves Veron 19 ans). Le deuxième assaut lancé vers 12h30, va faire 4 victimes directes chez les indépendantistes et 3 autres ensuite. Les divers blessés ne rentrent pas dans ce décompte, mais il y en a. Les deux assauts auront donc fais 19 victimes chez les indépendantistes et deux chez les militaires. Le dénombre total des victimes de cette tragédie sera de 25 morts.

Joseph Tangopi, un des acteurs de cette douloureuse période de notre histoire dit ceci : « Dans cette affaire, on est tous des victimes, eux aussi les autres…on est  tous victimes des politiques », des élections, des partis, des hommes, des organisations.

Depuis 1998 se déroulent à Ouvéa des cérémonies visant la « réconciliation » entre gendarmes et Kanak avec des messes « à la mémoire de tous les morts ».

Sur la tombe des 19 à Wadrilla

 

 

2 réponses
  1. avatar
    Ukako dit :

    Merci. Il ne faut pour autant les prisonniers qui ont contribué à cette lutte. Donc, il est bien de rappeler la liste des prisonniers politiques de cette époque car il ne faut pas attendre qu’on leur jette des fleurs une fois qu’ils seront 4 mètres sous terre, n’est-ce pas ?
    merci

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