Dans le système éducatif traditionnel kanak, le qenehmelöm (la case de l’éducation en drehu) était un lieu réservé aux jeunes hommes, généralement éloigné de la maison familiale, dans lequel on enseignait les valeurs de la vie. Sont venues ensuite les premières écoles tenues par des missionnaires, à Havila (Luecila), Hnaizianu (Xepenehe), Hnamelaangatr (Hunöj) au début du XXème siècle. Les missionnaires ont peu à peu été remplacés par des moniteurs indigènes, et dès 1950 le Grand chef Boula incita les jeunes garçons à se former et à travailler sur la Grande terre, et à envisager le mariage non arrangé. Cette révolution entraîna un afflux de jeunes Loyaltiens venus à Nouméa pour travailler, et à Do Neva (Houaïlou) pour passer le Certificat d’études primaire, et par la suite pour étudier au collège.

 

Il y avait un terrain de 52 ares rue Taragnat, acheté par l’Église pour loger les Loyaltiens en 1948. Le Foyer Taragnat permettait à l’Église protestante d’héberger les jeunes travailleurs mélanésiens « guettés par l’alcoolisme et la mauvaise conduite » (témoignage du pasteur Lacheret, père de Mme Evelyne Lèques). Ce foyer devint aussi un centre de vie paroissiale et une école pour les enfants de passage à Nouméa (parents hospitalisés, travailleurs), l’école du Foyer Taragnat. Deux moniteurs (terme utilisé pour les enseignants indigènes) s’occupaient des élèves, scolarisés du CP au CM2.

L’Alliance scolaire, qui avait concentré ses efforts d’ouverture d’écoles dans le Nord et les Îles loyauté, fit de ce lieu une opportunité pour les enfants qui ne trouvaient pas de place dans les écoles publiques de Nouméa. Certains des élèves de cette petite école ont marqué par la suite l’histoire de la Nouvelle-Calédonie : Fote Trolue (premier juge kanak), Dick Ukeiwe (membre fondateur du RPCR et sénateur), Yann Celene Uregei (membre fondateur de l’USTKE), Joseph Caihe (cadre de RFO).

En 1961 fut construit un premier bâtiment en dur pour loger les travailleurs, puis en 1969 un internat pour les internes scolarisés au Lycée Lapérouse, puis ceux de Blaise Pascal à partir de 1976, alors que se poursuivaient les activités du foyer dans la vieille maison en bois.

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Pourquoi le nom Dö Kâmö ?
Le nom Do Kamo fut choisi en 1980. Il signifie « vrai homme » en langue a’jië de Houaïlou, et correspond à un prolongement du « Do Neva » (« vrai pays »). Les jeunes femmes et les jeunes hommes issus de Do Kamo doivent devenir à leur tour des modèles, et assumer toutes leurs responsabilités professionnelles, citoyennes, familiales, et coutumières.
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L’ouverture du Lycée
En 1979, le lycée ouvre ses portes. Il accueille 54 élèves répartis dans deux classes de seconde.
Ces classes sont prises en charge par 4 professeurs, elles sont encadrées par 2 surveillants et 4 personnes sont chargées de l’entretien du lycée. Le tout dirigé par de deux directeurs : Saiko Luepak (directeur de l’internat) et Marc Teissier  (directeur du lycée).
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Évolution
En 1988, le lycée propose les baccalauréats B, D, G2 et voit aussi son effectif augmenté. Il accueille 164 élèves, 19 professeurs. Les directeurs sont alors : Loulou Tarou ( directeur de l’internat), Robert Moulet (directeur du lycée).
En 1993, inauguration du bâtiment C, destiné au BEP Métier de la Comptabilité.
En 1998, inauguration du bâtiment D, destiné aux terminales de l’enseignement général.
En 1999, le lycée propose en enseignement général les baccalauréats S, L, ES, STT CG, STT ACA et en enseignement professionnel les BEP COTO, MC, BAC PRO MC. Il accueille 482 élèves, 44 professeurs, 3 surveillants d’externat, 1 personne chargée de l’entretien du lycée, 2 dames de ménage.

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Le mot du Pasteur Wete, président de l’Église Évangélique
Issu de la réflexion théologique de l’église Evangélique en Nouvelle-Calédonie et aux Iles Loyautés des années 75-80 est crée pour faire face aux constats de la marginalisation  des Kanak des rouages économiques, des lieux décisionnels, et des responsabilités de la société calédonienne. Sa création est un acte posé par le refus de cette marginalité. Elle est un appel aux étudiants, à l’équipe éducative, aux parents, a l’Alliance Scolaire et à l’église Evangélique à relever le défi de tourner le dos à cette marginalisation par la voie de la formation. La formation des femmes et des hommes capables de participer à la vie sociale, culturelle politique, économique, artistique et religieuse du pays et, capables d’accéder à des responsabilités importantes dans le pays pour le bénéfice de tous. Etudiants (es) vous qui entrez pour vos études dans ce lycée, vous devez intégrer ce projet. C’est un projet d’émancipation qui va au-delà de votre projet. C’est un projet qui rend les femmes et les hommes pleinement Do Kamo. Que Dieu vous accompagne dans vos premiers pas hésitants vers des pas rassurés pour l’avenir.
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Le mot de bienvenue de Dario Burguière, directeur du lycée
A tous ceux qui, afin de poursuivre leur scolarité, intègrent pour la première fois ou qui reviennent au lycée Do Kamo, je souhaite la bienvenue et le succès dans leurs objectifs. La direction et l’ensemble de l’équipe éducative sont à leur côté.
ECART
Le mot de bienvenue de Freddy Helloa, chef d’établissement
Le lycée Do-Kamo est un établissement d’enseignement de l’ASEE. Il a fêté son 30e anniversaire en 2009. L’accès au lycée dans les années 70 à 80 n’était pas facile dans les lycées publics existants à cette époque-là. Il était d’autant plus difficile pour les enfants issus des couches sociales défavorisées (parents ayant peu de revenus et habitant en tribu, parents ignorant les démarches à accomplir pour les inscriptions, etc.) La création du lycée Do Kamo a pour ambition de favoriser l’accès au lycée de la grande majorité des enfants issus de ces couches sociales.
Aujourd’hui, le lycée Do Kamo continue dans la même visée. Son objectif est de faire réussir le maximum d’élèves tout en respectant «son caractère propre». Soyez les bienvenus au lycée Do Kamo. Que chaque élève fasse le maximum pour réussir sa scolarité et bon courage.

 

Article des Nouvelles Calédoniennes

A.-C.P. | Crée le 31.08.2019 à 04h25 | Mis à jour le 31.08.2019 à 04h25
Une photo du personnel du lycée Do Kamo, en 1984.Photo Do Kamo

Vallée-des-Colons. Do Kamo, c’est une partie de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Le lycée s’inscrit dans la volonté de l’Eglise protestante de former des cadres mélanésiens. Il accueille aussi des élèves en échec scolaire que la structure essaie de remettre sur la voie de la réussite.

«C e n’est pas que l’anniversaire du lycée Do Kamo, c’est l’occasion de se replonger dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, au moment où elle se cherche un avenir politique et culturel », introduit Kaemo Var Höcë, pasteur et président de l’EPKNC, Eglise protestante de Kanaky Nouvelle-Calédonie. Car la raison originelle d’être de l’établissement scolaire, géré par l’Asee, Alliance scolaire de l’Eglise évangélique, est la formation de cadres kanak (lire par ailleurs), pour laquelle il a été précurseur. « Beaucoup sont passés par Do Kamo, le seul lycée de l’Asee, le fleuron », témoigne Henri Lalié, qui y est professeur d’histoire, depuis 2008. Marianne Hnyeikone y enseigne les langues et cultures kanak depuis vingt-six ans. « Il y en a partout, dans tous les domaines, des PDG, comme celui de la SLN, des maires, des experts-comptables, des chanteurs, etc. »

Une autre pédagogie

A ses débuts, la pédagogie à Do Kamo se distingue de celle des autres établissements, estime Henri Lalié, car elle a davantage de latitude. « On a par exemple été les premiers à mettre en place les études, il y a une trentaine d’années. » Et être professeur à Do Kamo représente une expérience à part, estime Marianne Hnyeikone, « pur produit du Lapérouse », comme elle se définit. « C’est différent. Je pensais utiliser la pédagogie moderne, mais ça ne marche pas. Je fais maintenant selon la façon traditionnelle, comme dans nos cases. C’est moins magistral, il y a moins de froideur. Et ça fonctionne. Surtout, on se rend compte qu’ils arrivent mieux à accéder au savoir scientifique. » La vie au sein de l’établissement a évolué en même temps que celle de la société. « Les élèves ne sont plus les mêmes, et il faut que Do Kamo innove, insiste Henri Lalié. Le lycée doit continuer à influer dans la vie de la Calédonie. On voit comment ça se passe aujourd’hui, mais c’est un travail global à mener. » Le message n’est pas évident à faire passer aux jeunes. « Beaucoup ne se rendent pas compte de cette histoire, de cet héritage », note Marianne Hnyeikone.

Le lycée de la dernière chance

L’autre caractéristique de Do Kamo réside dans sa forte dimension sociale. « On accueille beaucoup d’élèves qui sont refusés ailleurs, indique Henri Lalié, et on les fait réussir. L’ambiance a un côté familial et traditionnel. C’est un peu le lycée de la troisième ou de la quatrième chance. » Il est un de ceux qui accueillent le plus de jeunes boursiers, en difficulté scolaire, refusés dans les autres établissements, exclus ou incarcérés au Camp-Est. « On doit composer avec ça, mais c’est une fierté, témoigne Daniel Collet, responsable du CDI, depuis 2006. On est identifié comme un lycée de kanak, et ce n’est pas valorisant pour les autres, mais ça l’est pour nous, car on aide des jeunes à grimper l’échelle sociale. » Via notamment un tutorat d’excellence et la préparation à Sciences Po. Destiné au départ aux jeunes des Îles et de la Brousse, Do Kamo reçoit, aujourd’hui, environ un tiers d’élèves issus des collèges du Grand Nouméa. « Et c’est un lycée qui a une identité forte, qui valorise la culture kanak », ajoute Daniel Collet. Il est le seul à proposer quatre langues kanak au baccalauréat, drehu, nengone, a’jïë et paîci. La gageure ? Continuer à faire vivre l’ambition première, celle de former les jeunes du pays.

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La vie de Do Kamo commence avant 1979. Son ancêtre sur le site est un foyer indigène protestant, créé en 1949. « Le terrain a été acheté par deux pasteurs qui voulaient rassembler les paroissiens, raconte Henri Lalié, professeur d’histoire au lycée Do Kamo. Le foyer hébergeait ceux qui venaient des Îles et de Brousse, et servait aux activités de l’église. » Une partie du foyer devient une petite école primaire jusqu’en 1967. « Les écoles nouméennes n’accueillaient pas tout le monde », poursuit Henri Lalié. Parmi les élèves qui l’ont fréquentée ? Jacques Iekawe, Fote Trolue, Dick Ukeiwe, etc. En 1961, la construction d’un bâtiment en dur, qui sera démoli en 1994, commence. Il accueille les jeunes travailleurs. Le site devient le premier internat de garçons mélanésiens scolarisés au lycée Lapérouse, jusqu’en 1975, avant que les locaux ne soient prêtés à la Ddec, en 1976 et 1977. En 1978, c’est à nouveau un internat pour les élèves de Havila et de Do Neva qui sont en seconde à Blaise-Pascal, à l’image d’Henri Lalié.

Le premier établissement secondaire de l’Asee

En 1979, l’Eglise protestante se prononce en faveur de l’indépendance et prend position pour la formation de cadres mélanésiens. Le lycée, qui sera baptisé Do Kamo, en 1980, ouvre. Cinquante-quatre élèves de seconde et quatre professeurs font leur rentrée. Une réalisation qui s’inscrit dans le contexte politique régional et local. « Dans les années 1970, le Pacifique subit une phase de décolonisation après l’Asie et l’Afrique, avec Fidji, Salomon, Papouasie-Nouvelle-Guinée, etc., des jeunes reviennent de Métropole après leurs études et commencent à parler d’indépendance. Il y a une bipolarisation politique, et le front indépendantiste se crée. »

La première décennie de vie de l’établissement est marquée par un engagement fort pour la cause de l’enseignement des jeunes Kanak. Do Kamo subit un attentat à la bombe, en mai 1985, et une attaque par une milice loyaliste, en 1986. Le lycée professionnel ouvre, en 1989, et le drehu et l’a’jië sont enseignés à partir de l’année suivante. En 1991, ouvre la seconde adaptée et les ateliers bibliques apparaissent. En 1996, le contrat d’association avec l’Etat est signé. De nouveaux bâtiments sont construits et de nouvelles filières naissent.

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560 élèves fréquentent le lycée Do Kamo. Il se trouve rue Taragnat, sur un terrain de 52 ares acheté 1,3 million de francs par l’Eglise protestante, en 1948.

Commentaires

  1. avatarAndrée Waïnangö KAZO a écrit

    Bonjour et bon anniversaire au Lycée Do Kamo (40 ans)
    Tout d’abord, un grand merci à toutes ces personnes de bonnes volontés et de détermination dans cette initiative de vouloir créer un lieu d’émancipation de notre peuple. Respect et hommage à tous ces hommes pleins de foi et de coeur, tous ces pasteurs venant d’ailleurs et nos anciens, qui ont défié le Seigneur, par leur croyance. C’est pour cela, qu’il faut toujours faire une place à l’instruction religieuse dans l’établissement, Nos coutumes kanaks, dont nous prônons les valeurs de respect et d’humilité, ont été fondées à partir de la Bible apportée par les premiers missionnaires. Si on met en avant cette instruction, on pourra peut-être redonner du sens à notre Education Sociétale.
    Bonne continuation et longue vie au Lycée Do Kamo parce que Dieu est toujours avec toi, grâce à tes fondateurs, qui ont cru en lui, et, en qui nous devons toujours croire.
    A toute l’équipe éducative, bon courage et bonne continuation

  2. avatarCassiat Gérard a écrit

    Bon anniversaire!
    Je vous suis très régulièrement par internet, car les années du début de Do Kamo et les aides au devoir dans les années 2010 m’ont fortement marquées. Longue vie au lycée malgré les soucis de l’ASEE.
    Amitiés à tous ceux que je connais
    Gérard

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