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Lorenzaccio d’Alfred de Musset, séquence de terminale L

Portrait d'Alfred de Musset jeune

Alfred de Musset et Lorenzaccio : influences et originalités

Rédigée entre Juillet 1833 et Mars 1834, l’œuvre paraît en Août de la même année. Musset a 24 ans et vit une passion tumultueuse avec la romancière George Sand dont l’œuvre, Une conspiration en 1537, a en partie inspiré le drame de son amant. Rédigée en 1833 cette œuvre en 6 tableaux est tirée d’une nouvelle de l’Heptaméron de Marguerite de Navarre (1558), et de la Storia fiorentina de Benedetto Varchi, chroniques florentines écrites entre 1547 et 1548. Blessé par l’échec de sa pièce La Nuit vénitienne en 1830, Musset décide alors d’écrire des œuvres théâtrales exclusivement réservées à la lecture, conception artistique qu’il développe dans son livre Un spectacle dans un fauteuil (1832). L’auteur y dénonce, entre autres choses, le recours forcené à la rime riche et la tentation de « la couleur locale », qu’il méprise. Ainsi, si Musset est bien reconnu comme une des figures phares du Romantisme, il n’adhère  cependant pas à tous ses principes (Lorenzaccio est à ce titre un exemple intéressant).  Surtout, le fait d’avoir écrit des pièces à lire plutôt qu’à jouer a posé de gros problèmes de mise en scène dans le sens où « l’adaptation » jouée ne peut pas complètement correspondre au texte initial, et de nombreux metteurs en scène qui tenteront de mettre en chair ce « théâtre dans un fauteuil » se verront contraints d’effectuer des coupes sévères dans le texte original.

 

Résumé de l’œuvre

L’action se passe à Florence en Janvier 1537. Le patricien florentin Lorenzino de Médicis, jeune homme studieux admirateur des héros de l’antiquité grecque et romaine, défend les valeurs de la République qu’il souhaite voir établir dans la cité. Or celle-ci est entre les mains du cousin de Lorenzo, Alexandre de Médicis, tyran qui règne sans partage avec le soutien du Saint-Empire et celui du pape. Lorenzo décide alors, afin de pouvoir plus facilement l’éliminer, de devenir le familier d’Alexandre en l’accompagnant dans ses crimes et sa débauche. La lâcheté des grandes familles républicaines l’oblige à agir seul et il tue le duc. Malheureusement, l’assassinat sera voué à l’échec : la République ne triomphera pas et Lorenzo sera lui-même assassiné peu de temps après le duc.

 

De Lorenzo à Lorenzaccio : un personnage double

De Lorenzo le pur à celui que les Florentins appellent de façon méprisante Lorenzaccio, le héros éponyme de Musset est un personnage complexe. Le mystificateur haï, adepte du double jeu, joue « à fond » la carte de la compromission, jusqu’à l’abjection. Corrompu, pervers, lâche, il est l’objet du dégoût de presque tous ses concitoyens. Mais sous cette apparence répugnante se cache un jeune idéaliste courageux et obstiné, prêt à tout endurer pour faire triompher la liberté et la République. Lorenzo est un être rongé par ses contradictions, angoissé d’avoir perdu son identité, et c’est ce qui le rend énigmatique. En ce sens, il incarne parfaitement le héros romantique car son combat est celui d’un  solitaire qui, rejeté par la société, va se battre jusqu’à la mort afin de faire triompher ses idées, même si cette quête est empreinte de désillusions et aboutira à l’échec.

Affiche d'Alphonse Mucha. 1896.

L’affiche de cette adaptation de la fin du XIXème siècle présente le héros éponyme de l’œuvre, Lorenzaccio, pensif, le regard lointain, peut-être méditant son coup. A la main, un livre, symbole de l’étudiant qu’il a été. Mais au savoir le jeune homme a préféré l’action : une dague dont la lame est masquée par le livre, reprise dans la cartouche du bas de l’affiche, évoque son projet de meurtre. Le Duc Alexandre de Médicis est symboliquement représenté sous la forme d’un dragon menaçant le blason des Médicis.

Affiche de l'adaptation de Michel Belletante. 2013

Cette affiche de 2013 propose une double figure du héros dont le nom s’inscrit en lettres de sang occupant la partie supérieure de l’image. Ce sang recouvre les deux visages qui évoquent la personnalité double du héros. Au premier plan, un jeune homme déterminé qui nous regarde droit dans les yeux, un léger sourire pincé aux lèvres et l’âme noire comme ses vêtements. Derrière lui, son double grimé aux sourcils proéminents, un rictus exagéré lui barrant le visage, comme un masque. Cette image n’est pas sans rappeler celle utilisée par le mouvement des « anonymous », nom donné à un collectif d’internautes qui luttent, via internet, pour la liberté d’expression. Leur masque a été inspiré par celui que portait au XVIIème siècle le conspirateur anglais Guy Fawques qui avait l’intention d’assassiner le roi d’Angleterre.

Membres masqués du collectif Anonymous

 

Une œuvre écrite dans un contexte historique particulier

« Que voulez-vous que fasse la jeunesse sous un gouvernement comme le nôtre ? »

Lorenzaccio, Acte I, scène 5

Il existe en effet des points communs entre la Renaissance florentine et la situation de la France en 1833. Des mouvements révolutionnaires ont secoué l’Europe, que ce soit en France, en Pologne, en Italie ou en Belgique. Partout l’agitation sociale fait trembler les pouvoirs et, tout comme les étudiants révoltés de Florence se dressent contre la tyrannie d’Alexandre, les étudiants français ont participé aux barricades de 1830 et 1832. Mais, de même que le geste de Lorenzo ne saura faire rétablir la République à Florence, les manifestations des Républicains français ne pourront rien contre l’arrivée au pouvoir du roi Louis-Philippe. Musset est amer, écoeuré de voir son pays incapable d’agir efficacement contre une tyrannie qui perdure, fatigué de voir des Républicains impuissants baisser les bras encore une fois. En choisissant Lorenzo, Musset opte donc pour l’action individuelle, le pragmatisme politique, plutôt que la théorie révolutionnaire. Cependant, là encore, le résultat est décevant et le héros, désillusionné, est bien seul. En évoquant la corruption d’un pouvoir tyrannique soutenu par l’église catholique, l’œuvre de Musset sera considérée comme suspecte aux yeux des autorités françaises de l’époque. Ainsi la monarchie de Juillet, puis le Second Empire, vont censurer certaines parties de la pièce qui portent atteinte à l’image de l’autorité. Pour preuve, cette note de la censure impériale datant de 1863 : « … la discussion du droit d’assassiner un souverain dont les crimes et les iniquités crient vengeance, le meurtre même du prince par un de ses parents, type de dégradation et d’abrutissement, paraissent un spectacle dangereux à montrer au public.»

 

L’acte V, l’acte des dénouements

Même s’il n’est constitué que de 8 scènes, cet acte permet d’appréhender les véritables en jeux de la pièce après la mort du Duc à la scène 11 de l’acte IV, une fin que la formule du héros, comme une métaphore, condense en quelques mots : « Attends! Tire ces rideaux».  Si le jeu s’arrête là pour Alexandre de Médicis, l’action dramatique, elle, se poursuit. En effet, nous apprenons la mort de Lorenzo, ainsi que celle de sa mère. Le couple Cibo se reforme et le cardinal parvient à imposer un nouveau maître à Florence en la personne de Côme de Médicis. Charles Quint et le pape finalement triomphent, tandis que les Républicains, trop timorés, rechignent à passer à l’action. Chez les Strozzi, ni le père accablé par la mort de sa fille, ni le fils incapable de fédérer les forces républicaines, ne peuvent empêcher la perpétuation de la tyrannie. Selon les propres mots du cardinal : « Primo avulso non deficit alter / Aureus, et simili frondescit virga metallo». (Le premier rameau d’or arraché se remplace par un autre, et une nouvelle branche du même métal pousse aussitôt). Tout rentre dans l’ordre.

Adaptation de Lorenzaccio en BD par Régis Penet. 2011

1 réponse
  1. avatar
    qash dit :

    xai ebun la TL perseverez arei i bisouu

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