Commémoration de Nainville-Les-Roches, 1983

Signature de l’Accord de Nouméa en mai 1998

Les balbutiements de l’histoire : De Nainville-Les-Roches en 1983 à Nouméa  (1998-2013)

 

Contexte historique

En 1981, c’est l’arrivée historique de la gauche au pouvoir, celui de la présidence de la République et la première mandature de François Mitterrand. En Nouvelle-Calédonie, depuis 1975, on observe une bipolarisation de la vie politique, autour de la cause indépendantiste.  Deux blocs s’installent durablement : les indépendantistes sont organisés dans le Front Indépendantiste (FI) depuis 1979, et les non-indépendantistes, autour du RPC, créé par J.Lafleur, ainsi que des petits groupuscules comme le Front calédonien de Justin Guillemard, fondé en 1982. Entre ces deux blocs, se constitue un groupe, qui se veut « médium », et plus autonomiste que les non-indépendantistes mais sans aller jusqu’à l’indépendantisme absolue. Ils forment en 1979, la Fédération pour une Nouvelle Société Calédonienne (FNSC). Ils formeront avec les indépendantistes, le gouvernement Tjibaou, de juin 1982 à novembre 1984.

Composition du gouvernement Tjibaou

Front Indépendantiste FNSC RPCR (indépendant)
JM Tjibaou G Morlet H Wetta
A Gopéa S Camerlynck
H Bailly
Y Nada

 

Monsieur Tjibaou est en réalité le Vice-président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, qu’il dirige, mais sous la présidence du Haut-Commissaire représentant la France. Le statut en application était la Loi du 28 décembre 1976, dite loi Stirn, qui instituait un exécutif du Territoire et une assemblée délibérante l’Assemblée Territoriale de 36 membres. C’est au titre de représentant de la Nouvelle-Calédonie que JM Tjibaou participe à la rencontre de Nainvilles-Les-Roches. De même, la configuration politique qui aboutit au conseil de gouvernement de 1982, n’est pas acceptée par le bloc non indépendantiste, qui multiplie les actions dans les rues de Nouméa. A cela s’ajoute depuis 1981, l’arrivée des socialistes au pouvoir en France, et ils ont quelques proximités d’idées avec les indépendantistes. C’est dans ce contexte que le Secrétaire d’Etat aux DOM-TOM, Georges Lemoine, décide de convoquer en juillet 1983, à Nainvilles-Les-Roches une « table ronde » sur l’évolution politique du Territoire.

La table ronde de Nainvilles-Les-Roches

Les représentations

Ont été convié : les parlementaires du Territoire, le vice-président du gouvernement, le président de l’Assemblée Territoriale, des représentants du FI, du RPCR, de la FNSC et des grands-chefs-coutumiers. C’est la première grande rencontre sur l’évolution politique de la Nouvelle-Calédonie qui se fait en présence des principaux groupes de partis, sous la direction de l’Etat. En effet, il y a les deux gros blocs opposés, indépendantiste et anti-indépendantiste et le FNSC, jouant le rôle de médiateur entre ces oppositions. La représentation des corps institués de l’Assemblée Nationale,  du Sénat et de celui du gouvernement central parisien, préfigure les accords à venir que nous connaissons aujourd’hui (Matignon et Oudinot). Le choix de l’Essonne, et de la ville de Nainvilles-les-Roches, complètent la recherche d’un lieu hors du Territoire, pour sortir des pesanteurs politiques locales trop pressantes pour les différents représentants. Au bout de 5 jours de rencontres intenses, une déclaration en trois points est rédigée :

NAINVILLES-LES-ROCHES

Mardi 12 juillet 1983

Déclaration de la table ronde

I

Volonté commune des participants de voir confirmer définitivement l’abolition du fait colonial par la reconnaissance à l’égalité de la civilisation mélanésienne et la manifestation de la représentativité par la coutume dans les institutions à définir.

II

Reconnaissance de la légitimité du peuple kanak, premier occupant du Territoire, se voyant reconnaître, en tant que tel, un droit inné et actif à l’indépendance, dont l’exercice doit se faire dans le cadre de l’autodétermination prévue et définie par la Constitution de la République Française, autodétermination ouverte également, pour des raisons historiques, aux autres ethnies dont la légitimité est reconnue par les représentants du peuple kanak.

III

Favoriser l’exercice de l’autodétermination est « une des vocations de la France » qui doit permettre d’aboutir à un choix, y compris celui de l’indépendance. Il faut préparer cette démarche vers l’autodétermination qui sera le fait du peuple calédonien défini par la logique ci-dessus admise, lorsqu’il en ressentira la nécessité. Pour préparer cette démarche, chacun est conscient qu’il faut élaborer un statut d’autonomie interne qui sera spécifique, qui sera évolutif et qui marquera donc une phase de transition en prenant en compte les données politiques et économiques car il n’y aura de développement économique qu’avec la stabilité politique.

Le Mémorial calédonien Tome 9 p 178

Cette déclaration sera signée par le FI et la FNSC, mais refusée par le RPCR. Ce dernier conteste le contenu du point 2. La crainte du RPCR a été de voir les kanak reconnus premiers occupants et en même temps, s’offrir une prérogative de déterminer, qui peut-être potentiellement calédonien. Est-ce cela seulement, ou d’autres raisons existent-elles ? Ainsi, d’un point de vue général, on peut rapidement conclure à un échec de cette table ronde. Cela n’est pas le cas, au regard de l’évolution politique que notre Territoire a connu jusqu’à aujourd’hui.

 

Table ronde de Nainvilles-les-Roches et Accord de Nouméa : analyse croisée

Comment ne pas voir aujourd’hui dans le préambule de l’Accord de Nouméa, un camouflet à cet échec de 1983 ? Pour permettre enfin à la France, de réussir une décolonisation et réaffirmer aux yeux du monde, sa noble place de patrie des droits de l’Homme. La Nouvelle-Calédonie a vocation à devenir une autre entité après le processus de l’Accord de Nouméa. L’Accord de Nouméa et ses conséquences juridiques et constitutionnelles, ont créé un bouleversement politique sans précédent. Dans le titre XIII créé à cet effet dans la Constitution, la Nouvelle-Calédonie n’est plus une collectivité territoriale de la République. Le mot « territoire » disparait au profit de « Pays ». De même, la Nouvelle-Calédonie s’insère dans un processus juridique identifié qui est la « décolonisation ». La France, en constitutionnalisant l’Accord de Nouméa, reconnait l’existence du « peuple kanak », qui est distinct du peuple français. Il reste à tenter aujourd’hui de favoriser l’ « apparition » d’un peuple calédonien que l’on retrouve dans le discours ambiant dans la notion de « destin commun », possédant une citoyenneté propre. Ainsi, le refus du RPCR en 1983 d’apposer sa signature, pour les raisons que nous avons exposées, se transforme en 1998 en points sur lesquels les deux grandes tendances politiques s’accordent,  notamment dans le préambule de l’Accord de Nouméa. L’histoire souvent est un éternel recommencement…

 

Quelques images d’époque

Signature de l’Accord de Nouméa en mai 1998

Signature de l’Accord de Nouméa en mai 1998

 

Petite pause lors de la table ronde de Nainvilles-les-Roches, entre JM Tjibaou (à gauche), J Lafleur (à droite) et G Païta (au centre).

Petite pause lors de la table ronde de Nainvilles-les-Roches, entre JM Tjibaou (à gauche), J Lafleur (à droite) et G Païta (au centre).

 

RPCR : Rassemblement pour la Calédonie dans la République

FSNC : Fédération pour une nouvelle société calédonienne

DOM/TOM : département d’outre-mer/territoire d’outre-mer

FI : front indépendantiste

2 réponses
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