«J’ambitionnais non seulement d’aller plus loin qu’aucun homme n’était encore allé, mais aussi loin qu’il était possible d’aller. »
James Cook
En onze ans, James Cook mena trois voyages d’exploration autour du monde. Ces voyages constituent un saut capital dans la technique et l’esprit même des navigations. En abandonnant définitivement le voyage « linéaire » pour une exploration méthodique et systématique, il inaugure l’exploration moderne où l’élément scientifique tient une place primordiale.

Après avoir accosté à Mallicolo et à Espiritu Santo, nom donné à cette dernière par le navigateur portugais Quiros en 1606, Cook et son équipage continuent leur chemin. Le capitaine anglais, après plusieurs jours de navigation, amène son navire dans une baie : il s’agit de celle de Mahamat, telle qu’on la nomme encore de nos jours, touche à l’îlot Balabio, et accoste à Balade. C’est là, au nord-est de ce que nous appelons aujourd’hui la Grande-Terre, qu’il  prend contact pour la première fois avec des Kanak. Voici les notes qu’il a prises lors de cette rencontre. Nous sommes en Septembre 1774.

Nous continuâmes à louvoyer, en remontant avec des brises très légères, variables entre est-sud-est et sud jusqu’au lendemain matin à dix heures ; il fit alors calme. Nous étions à ce moment à environ sept ou huit milles du fond de la baie, qui se termine par une grève basse, et par-derrière, il y a une étendue plate couverte de bois et bornée de chaque côté par une rangée de montagnes. A midi nous trouvâmes que la latitude était de quinze degrés et cinq minutes sud, et nous fûmes retenus là par le calme jusqu’à une heure du matin ; nous eûmes alors une brise au nord par ouest, avec laquelle nous gouvernâmes en remontant la baie jusqu’à deux milles du fond. J’envoyai alors monsieur Cooper et monsieur Gilbert pour sonder et pour reconnaître la côte, pendant que nous restions sur les bords avec le navire. Cela donna le temps à trois canots à voile qui nous avaient suivis un moment de venir jusqu’à nous. Il y avait cinq ou six hommes dans chacun, et ils s’approchèrent assez pour recevoir des objets qu’on leur jeta en les attachant avec une corde, mais ne voulurent pas avancer jusqu’aux côtés du navire. Ils étaient de la même race que ceux que nous avions vus la veille au soir, et nous pensâmes qu’ils venaient du même endroit. Ces hommes semblaient être mieux bâtis et plus robustes que ceux de Mallicolo, et plusieurs autres circonstances contribuaient à nous faire penser qu’ils appartenaient à un autre peuple. Ils donnaient aux chiffres jusqu’à 5 ou 6 le nom qu’ils ont à Anamocka (1), et ils nous comprirent lorsque nous leur demandâmes le nom des terres contiguës. A la vérité, on en trouve qui ont les cheveux noirs, courts et frisés comme les naturels de Mallicolo, mais d’autres les avaient plus longs, attachés au sommet de la tête, et ornés de plumes comme les Néo-Zélandais. Leurs autres ornements étaient des bracelets et des colliers ; un des hommes avait sur le front quelque chose comme une coquille blanche et quelques-uns étaient peints avec un colorant noirâtre. Je ne leur vis pas d’autres armes que des javelots et des harpons, destinés seulement à accrocher des poissons. Leurs canots ressemblaient beaucoup à ceux de Tanna et naviguaient de la même manière ou à peu près. Ils nous indiquèrent tout de suite le nom des parties du pays que nous leur montrions, mais nous ne pûmes obtenir d’eux le nom de l’île elle-même. A la fin, voyant arriver nos bateaux, ils pagayèrent vers la côte, malgré tout ce que nous pûmes dire ou faire pour les retenir.
5 Septembre. Après le diner j’allai à terre avec deux canots armés, et j’emmenai un des naturels qui s’était attaché à moi. Nous débarquâmes sur une grève de sable devant un grand nombre de naturels qui s’étaient rassemblés dans la seule intention de nous voir, car beaucoup d’entre eux n’avaient pas même un bâton à la main, et nous fûmes reçus avec une parfaite courtoisie, et avec la surprise naturelle à des insulaires qui sont en présence  de quelque chose d’aussi nouveau que nous l’étions pour eux. Je fis des présents à tous ceux que mon ami me signala, soit des vieillards, soit des hommes qui semblaient avoir plus d’importance que les autres. Mais il ne fit pas le moindre cas de quelques femmes qui se trouvaient en arrière de la foule et retint ma main quand je me disposai à leur donner quelques médailles ou verroteries. Nous trouvâmes là le chef que nous avions vu le matin dans un des canots. Nous apprîmes qu’il s’appelait Tihabouma et nous n’étions pas depuis dix minutes à terre qu’il réclama le silence. Tous les insulaires présents lui obéirent à l’instant et il fit une petite harangue, et peu après un autre chef, ayant lui aussi demandé le silence, en fit une aussi. Il y avait plaisir à voir avec quelle attention on les écoutait. Leurs discours étaient composés de phrases courtes, à chacune desquelles deus ou trois vieillards répondaient en hochant la tête et poussant une sorte de grognement, qui devait être un signe d’approbation. Il nous était impossible de saisir le sens de ces discours, mais ils avaient l’air de nous être favorables, et sans aucun doute c’était nous qui en faisions le sujet. Je ne quittai pas des yeux les auditeurs de tout le temps qu’ils durèrent, et ne vis rien qui me donnât à croire le contraire. Pendant que nous étions avec eux, nous demandâmes par signes de l’eau douce ; les uns nous indiquèrent l’est, l’autre l’ouest. Mon ami entreprit de nous conduire et s’embarqua avec nous à cet effet. Après avoir ramé environ deux ou trois milles en remontant la côte vers l’est, où le rivage était presque entièrement couvert de palétuviers, nous passâmes au travers et entrâmes par une crique étroite dans une rivière qui nous amena à un petit village perché à l’écart de tous les palétuviers ; ce fut là que nous débarquâmes et qu’on nous montra de l’eau douce. Près du village, la terre était très bien cultivée, divisée en plantations de canne à sucre, d’ignames et autres racines, et arrosée par de petites rigoles creusées artificiellement à partir du ruisseau principal, dont la source était dans les collines. Il y avait là quelques cocotiers, qui ne paraissaient pas être surchargés de fruits. Nous entendîmes chanter des coqs, mais n’en vîmes point. Quelques racines grillaient sur un feu dans une jarre de terre qui aurait pu contenir cinq ou six gallons (2), et nous ne doutâmes point qu’elle ne fût manufacturée par eux. Comme nous poussions plus avant dans la crique, monsieur Forster ayant tiré un canard qui volait au-dessus de nos têtes, comme c’était le premier usage que ces naturels nous voyaient faire de nos fusils, mon ami nous demanda de le lui donner ; et quand nous débarquâmes, il raconta à ses compatriotes comment le canard avait été tué. La journée était très avancée et la marée ne nous permettait pas de rester plus longtemps dans la crique ; nous fîmes donc nos adieux aux habitants et fûmes de retour à bord après le coucher du soleil. Cette petite excursion me montra qu’il ne fallait rien attendre d’autre de ces insulaires que la faculté de visiter leur pays sans être inquiétés ; car il était facile de voir qu’ils n’avaient rien d’autre à offrir que leur bonne volonté. Sur ce point, ils surpassaient tous les peuples auxquels nous avions eu affaire jusque-là, et bien que cela ne pût suffire à nous procurer ce dont nous avions besoin, cela nous était agréable, tout en nous mettant l’esprit en repos.
7 Septembre. Dans l’après-midi, je fis une petite excursion le long de la côte en compagnie de monsieur Wales. Nous fîmes des observations sur les choses que nous vîmes, et de plus nous apprîmes le nom de plusieurs endroits que je crus alors être des îles ; mais, en complétant mes renseignements, je trouvai que c’était des districts de la même terre. Cette après-midi, un des naturels, ayant harponné un poisson, mon secrétaire l’acheta et me l’envoya après mon retour. Il était d’une nouvelle espèce, un peu comme un poisson-soleil, avec une grosse tête longue et hideuse. Ne nous doutant pas qu’il pouvait nous empoisonner, nous donnâmes l’ordre de l’apprêter pour le souper. Mais par bonheur il fallut si longtemps pour le dessiner et le décrire qu’il n’était plus temps de le faire cuire, de sorte qu’on n’apprêta que le foie et les rognons auxquels monsieur Forster et moi goutâmes tout juste. Vers trois heures du matin nous nous trouvâmes atteints d’une extraordinaire faiblesse et d’un engourdissement de tous les membres. J’avais presque perdu le sentiment du toucher et je ne pouvais distinguer, entre ceux que j’avais la force de soulever, les corps lourds des légers. Un quart d’eau et une plume avaient le même poids pour ma main. Nous prîmes tous les deux de l’émétique(3) et après cela nous fîmes une suée qui nous apporta beaucoup de soulagement. Le matin, un des cochons qui avaient mangé les entrailles fut trouvé mort. Quand les naturels virent le poisson suspendu, ils nous firent entendre aussitôt que c’était une nourriture malsaine et témoignèrent à son égard la plus grande horreur, bien qu’aucun d’eux n’en eût rien manifesté au moment où le poisson était à vendre, ni même après qu’il eut été acheté.
Le 8, la garde et un détachement d’hommes étaient à terre comme d’habitude. Dans l’après-midi, je reçus un message de l’officier m’informant que le chef Tihabouma était venu et apportait en présent des ignames et des cannes à sucre. En retour, je lui envoyai, entre autres choses, un chien et une chienne, tous deux jeunes, mais presque au bout de leur croissance. Le chien était roux et blanc, mais la chienne était entièrement rousse, de la couleur d’un renard d’Angleterre ; je tiens à signaler ces couleurs, parce qu’ils peuvent devenir l’Adam et l’Eve de leur espèce dans ce pays. Quand l’officier revint à bord le soir, il m’apprit que le chef venait avec une suite de vingt hommes environ, et cela avait tout l’air d’être une visite de cérémonie. Il fut quelque temps avant de croire que le chien et la chienne lui étaient destinés, mais aussitôt qu’il en fut convaincu il parut transporté de joie et les fit emporter séance tenante.
Description de la Nouvelle-Calédonie
Je vais conclure la relation de notre séjour en ce lieu par une description succincte du pays et de ses habitants. Ils sont forts, robustes, actifs er bien bâtis, courtois et bienveillants ; ils n’ont aucune tendance à voler, ce qui est plus qu’on ne peut dire d’aucun autre peuple de ces mers. Ils sont à peu près de la même que les naturels de Tanna, mais ils ont des traits plus réguliers et une tournure plus gracieuse, et la race à  laquelle ils appartiennent est plus robuste. Nous en avons vu qui mesuraient six pieds (4) de haut. J’en ai remarqué quelques-uns qui avaient les lèvres épaisses et le nez épaté, des joues pleines et jusqu’à un certain point les traits et l’aspect de nègres. Deux choses contribuent à éveiller cette idée : d’abord leur tête en forme de boule et ensuite leur habitude de se barbouiller le visage avec un colorant noir. Leurs cheveux et leur barbe sont en général noirs et très crépus, de sorte qu’à première vue ils ont la même apparence que ceux des nègres. Ils en diffèrent cependant beaucoup, bien qu’à la fois plus rudes et plus forts que les nôtres. Quelques naturels qui les portent longs les attachent au sommet de leur tête ; d’autres ne conservent qu’une grande mèche de chaque côté, qu’ils attachent en chignons. Beaucoup d’autres les coupent courts, et toutes les femmes les portent ainsi. Ces têtes hérissées ont très probablement souvent besoin d’être grattées, et ils ont pour cet usage un instrument parfait. C’est une sorte de peigne fait de baguettes de bois dur, de sept à neuf pouces de long, à peu près de l’épaisseur d’une aiguille à tricoter. On en fixe un certain nombre, pas plus de vingt en général, en les attachant ensemble, à un de leurs bouts, parallèlement les unes aux autres, espacées d’un dixième de pouce. On les étale par l’autre bout qui est un peu effilé, comme les feuilles d’un éventail, et par ce moyen on peut chasser sur le terrain une centaine de poux à la fois. Ils portent toujours, piqués dans leurs cheveux, ces peignes ou grattoirs, car je crois qu’ils s’en servent souvent à ces deux fins. Les habitants de Tanna ont un instrument de ce genre, pour le même usage, mais le leur est en forme de fourchette et n’a jamais plus de trois ou quatre dents ; ce n’est même quelquefois qu’une petite baguette pointue. Ceux de Nouvelle-Calédonie portent en général la barbe courte et elle est de la même qualité crépue que leurs cheveux. Ces hommes ont communément les jambes enflées et ulcérées, et aussi de l’enflure du scrotum. Je ne sais pas si la cause en est une maladie, ou la façon de porter la ceinture drapée que j’ai décrite plus haut, et qu’ils utilisent de la même façon que ceux de Tanna ou de Mallicolo. C’est leur seul vêtement, et il est généralement fait d’écorce, quelquefois de feuilles. C’est aussi pour faire de ces ceintures qu’ils se servaient des petits morceaux d’étoffe, de papier, etc, que nous leur donnions. Ils ont aussi des habits grossiers, faits d’une sorte de natte, mais ils ne les portent jamais, excepté quand ils montent dans leurs canots et y sont inoccupés. Certains d’entre eux avaient une espèce de capuchon noir et raide, profond et cylindrique, qui paraissait être un ornement de cérémonie ; nous pensâmes que ceux qui les portaient étaient des hommes de marque ou des guerriers. Quand nous leur donnions une grande feuille de papier, ils l’utilisaient de cette façon.
Le vêtement des femmes consiste en un court jupon fait avec des filaments de bananier, passés par-dessus une cordelette à laquelle ils sont fixés et qu’on attache à la taille. Ce jupon a une épaisseur d’au moins six ou huit pouces, mais en longueur pas un seul de plus que ne l’exige l’usage auquel il est destiné. Les filaments extérieurs sont teints en noir et, comme ornement additionnel, la plupart d’entre elles ont quelques coquilles d’huîtres perlières fixées sur le côté droit. Les ornements communs aux deux sexes sont des pendants d’oreilles en écaille, des colliers et des amulettes de coquillages ou de pierre, et des bracelets, faits de grandes coquilles, qu’ils portent au-dessus du coude. Ils ont la peau marquée de sillons sur plusieurs parties du corps, mais je ne vois pas qu’il y en ait de noirs comme dans les îles orientales. Je ne sais pas s’ils ont un but autre que l’ornement. Les habitants de Tanna portent aussi des marques qui ressemblent beaucoup à celles-ci.
Si j’avais à donner mon opinion sur l’origine de ce peuple, je le considérerais comme une race intermédiaire entre les habitants de Tanna et ceux des îles de l’Amitié, ou entre ceux de Tanna et les Néo-Zélandais ; ou encore un mélange des trois, car leur langue est à certains égards un mélange des trois autres. Leur caractère ressemble à celui des habitants des îles de l’Amitié, mais ils les surpassent en aménité et en probité.
En dépit de leurs dispositions pacifiques, il est probable qu’ils sont quelquefois en guerre, puisqu’ils sont bien pourvus d’armes offensives, telles que massues, javelots, lances et frondes (pour lancer des pierres). Les massues ont environ deux pieds et demi de long, et leurs formes sont variées ; les unes ressemblent à une faux, d’autres à des haches, à des pioches ; il y en a qui ont une tête comme celle d’un épervier, d’autres ont une tête ronde, mais toutes sont très proprement travaillées. Beaucoup de leurs piques et javelots sont aussi très soignés, et ornés de ciselures. Leurs frondes sont aussi simples que possible, mais ils prennent la peine de donner une forme convenable aux pierres dont ils se servent ; c’est quelquefois celle d’un œuf dont les deux bouts seraient comme le plus petit. Ils se servent d’un ringot (5) de la même façon que ceux de Tanna, en lançant le javelot, qui sert, je crois, très souvent à piquer des poissons, etc. Ils semblent y être très habiles, et je ne crois pas à vrai dire qu’ils aient un autre moyen de prendre de gros poissons, car je ne leur ai vu ni harpons ni lignes.
Il n’y a pas lieu de décrire leurs outils de travail, puisqu’ils sont faits des mêmes matériaux et à peu près de la même manière que ceux des autres îles. Leurs haches sont, il est vrai, un peu différentes, en tout cas quelques-unes, ce qui peut être dû à des fantaisies aussi bien qu’à une coutume.
La plupart des maisons sont circulaires, quelques-unes sont semblables à une ruche, et tout aussi chaudes et bien fermées. On y entre par une petite porte qui est un trou en forme de carré long, juste assez grand pour laisser passer un homme plié en deux. Les murs sont hauts de quatre pieds et demi environ ; mais le toit est en pente et s’effile en une pointe au sommet, au-dessus duquel se dresse un mât de bois, généralement orné de sculptures ou de coquilles, parfois des deux. La charpente est faite de petits mâts de bambou, etc, et les deux côtés et le toit ont une couverture de chaume serrée et épaisse, faite avec de longues herbes. A l’intérieur de la maison sont plantés des poteaux qui supportent des traverses, et des étagères destinées à recevoir les objets que l’on veut y déposer.
On voit quelques maisons de deux étages. Le sol est couvert d’herbe sèche, il y a çà et là des nattes étendues, destinées aux personnages principaux, pour y dormir ou s’y asseoir. Dans la plupart des maisons, nous trouvâmes deux foyers, dans lesquels il y avait habituellement du feu, et comme il n’y avait pour la fumée d’autre issue que la porte la maison entière était enfumée et surchauffée, si bien que n’étant pas habitués à cette atmosphère nous pouvions à peine la supporter un moment. C’est probablement la raison pour laquelle ces insulaires se montrent si frileux quand ils sont en plein air sans prendre d’exercice. Nous les vîmes souvent faire de petits feux et se presser autour sans autre but que de s’y chauffer. Il se peut que la fumée dans les maisons soit un mal nécessaire, car elle empêche les moustiques qui sont très nombreux ici, d’y entrer. A certains égards, ces habitations sont proprement travaillées ; j’en ai vu qui avaient en outre des ornements du faîte, des chambranles de portes sculptés. En somme leurs habitations conviendraient mieux à des climats froids que chauds et, comme elles n’ont point de cloison, on ne peut s’y isoler.
Il ne me semble pas que ce pays ait la capacité de contenir beaucoup d’habitants. La nature a été moins généreuse à l’endroit de cette île qu’envers aucune des îles tropicales que nous connaissons dans cette mer. La plus grande partie de sa surface, au moins ce que nous en avons vu, consiste en montagnes rocheuses et dénudées, et l’herbe, etc, qui y pousse ne peut servir à rien puisque les habitants n’ont pas de bétail.
La stérilité de leur pays excuse les habitants de ne rien fournir aux navigateurs. Il se peut que la mer compense en une certaine mesure ce qui manque à la terre, car une côte entourée d’écueils et de récifs ne peut manquer d’être riche en poissons.
J’ai déjà fait remarquer que ce pays a une grande ressemblance avec la Nouvelle-Galles du Sud (ou Nouvelle-Hollande) (6) et que quelques-uns de ses produits naturels sont les mêmes. En particulier nous trouvâmes ici cet arbre qui est couvert d’une écorce blanche et douce, déchiquetée, que l’on pèle facilement, et qui est, comme je l’ai déjà dit, celle que l’on utilise aux Indes occidentales pour calfater les navires. Le bois en est très dur, les feuilles longues et étroites, d’un gris terne et pâle, et l’odeur fine et aromatique ; on peut donc dire qu’il appartient à ce continent. Cependant il y a ici plusieurs plantes, etc, communes aux îles occidentales et aux septentrionales, et même une espèce de fleur-de-la –passion, que l’on m’a dit n’avoir jusqu’ici été trouvée sauvage qu’en Amérique. Nos botanistes ne se plaignaient pas d’être inoccupés, car chaque jour apportait à la botanique ou aux autres branches de l’histoire naturelle quelque objet nouveau. Les oiseaux terrestres ne sont pas nombreux, mais plusieurs étaient inconnus. L’un d’eux est une sorte de corneille, au moins est-ce le nom que nous lui donnions, bien qu’il soit moitié plus petit ; ses plumes sont teintées de bleu. Il y a aussi quelques très beaux pigeon-tourterelles et d’autres petits oiseaux que je n’avais jamais vus auparavant.
Nous n’arrivâmes pas à savoir le nom de l’île prise en entier ; elle est probablement trop grande pour que les habitants la désignent d’un seul nom. Quand nous les interrogions, ils nous indiquaient le nom d’une portion de l’île, ou d’un lieu donné qu’ils nous montraient ; et, comme je l’ai dit, j’en recueillis ainsi plusieurs, et en même temps le nom de leur roi ou de leur chef. J’en conclus que le pays est divisé en plusieurs districts, gouvernés chacun par un chef, mais nous ne savons pas quelle est l’étendue du pouvoir de celui-ci. Le district dans lequel nous nous trouvions s’appelait Dalade (Balade), et le chef Tihabouma. Il habitait de l’autre côté de la chaîne de collines, de sorte que nous n’avions pas souvent sa compagnie, et nous ne pûmes pas bien juger de son pouvoir. Tiha a l’air d’être un préfixe que l’on place devant le nom des chefs ou des hommes considérables. Mon ami, pour me faire honneur, m’appelait Tiha Cook.
Ces insulaires déposent leurs morts dans la terre. Je ne vis aucune de leurs sépultures, mais plusieurs de nos messieurs en virent. On leur dit que dans chacune d’elles gisait un chef qui avait été tué en combattant ; et sa tombe qui ressemblait à une énorme taupinière était décorée de piques, de javelots, de pagaies, etc, plantés tout autour droit dans la terre.
Cook n’eut pas le temps d’explorer la côte ouest de la Nouvelle-Calédonie : « Je fus obligé, pour la première fois, et ce fut en réalité une nécessité, de quitter une côte que j’avais découverte sans l’explorer à fond. Je l’appelai Nouvelle-Calédonie ; à part la Nouvelle-Zélande, c’est sans doute la plus grande des îles de l’océan Pacifique méridional. »
NOTES
(1)    Ile de l’archipel des Tonga
(2)    Mesure anglaise pour les liquides. Un gallon équivaut approximativement à 4,5 litres.
(3)    Médicament qui fait vomir.
(4)    Unité de mesure pour les tailles. Un pied équivaut approximativement à 30 centimètres.
(5)    Petit morceau de bois servant à caler le javelot dans la main.
(6)    Région du sud-est de l’Australie.

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