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« Souvenons-nous », le 13 mai 1985, une bombe explose à Do Kamo

Le 13 mai 1985, quatre attentats à l’explosif secouent le territoire. Parmi ceux-ci, un vise en particulier le Lycée Do kamo.

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Le contexte politique

Depuis le début des années 1970, le mouvement indépendantiste qui a pris naissance avec le retour des jeunes Calédoniens (« Mélanésiens ou Canaques » comme on l’écrivait alors, mais aussi « Caldoches » et autres, il y avait aussi des jeunes Wallisiens ou asiatiques) de leurs études en métropole, où ils ont vécu et surtout échangé avec les autres étudiants, lors de mai 1968. Il faut plus précisément parler de nationalisme naissant plutôt que d’indépendantisme. Sur les murs de Nouméa apparaissent « Calédonie libre » ou « peuple calédonien »… En 1975, le festival « Mélanésia 2000 », initié par Jean-Marie Tjibaou, entre autres, affirme la présence identitaire « kanak » dans Nouméa « la blanche ». Dans la même année, les groupes organisés orientés nationalistes issus des « Foulards rouges » (« Ciciqadri de Lifou, Atsai d’Ouvéa, Wayagi de Maré) auxquels s’ajoute le Groupe 1878 de la Grande Terre et la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), énoncent les prémices de ce qui sera « l’ IKS » (Indépendance Kanak Socialiste). En juin 1975 est créé le Comité pour l’Indépendance Kanak.  C’est la première déclaration d’indépendance de manière officielle, à l’Assemblée Territoriale avec Yann Celene Uregei. Le PALIKA naît en 1976, à l’issue du regroupement des mouvements de jeunes des Foulards Rouges et du Groupe 1878. Ils rejoignent l’Union Multiraciale ainsi que des élus de l’UC pour constituer la nouvelle mouvance. En 1977, l’UC se prononce officiellement pour l’indépendance lors de son congrès de Bourail. La plupart des européens qui le composent quittent le mouvement.

Dans le Pacifique, Samoa occidental (1962), Nauru (1968), Fidji et Tonga (1970), la Papouasie Nouvelle-Guinée (1975) et les îles Salomon (1978)  accèdent à l’indépendance. En Nouvelle-Calédonie, le mouvement indépendantiste se structure de manière officielle dans le FI (front indépendantiste), en 1979, à la fois dans la visée des élections mais aussi dans une revendication à la base, plus politique, avec les occupations de terres (revendication foncière) et un rapprochement avec les mouvements nationalistes mélanésiens. Les Nouvelles-Hébrides connaissent la même année, des événements tragiques avec finalement leur accession à l’indépendance sous le nom de Vanuatu, en 1980. L’année 1981 est un tournant dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. C’est d’abord l’arrivée historique de la gauche au pouvoir avec l’élection de François Mitterrand, président de la République, mais c’est aussi le début de relations plus ou moins ambiguës  entre les indépendantistes et la gauche française. En septembre 1981, Pierre Declerc, secrétaire général de l’UC, est assassiné à son domicile de Robinson. C’est véritablement le début de la séquence historique dite « des événements ». Malgré la réunion de Nainvilles-Les-Roches en 1983, le FI devient FLNKS le 24 septembre 1984, et impulse le mot d’ordre de boycott actif des élections de novembre 1984. Les évènements se durcissent avec l’embuscade de Tiendanite en décembre 1984, puis l’exécution de Machoro en janvier 1985 par le GIGN (Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale).

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Le contexte institutionnel de Do Kamo

En 1948, les missionnaires protestants Charlemagne et Lacheret achètent pour la mission protestante en Nouvelle-Calédonie, un terrain de 52 ares à M. Holl, rue Taragnat. Dès 1949, un foyer est construit pour permettre :

  • L’accueil des mélanésiens de passage à Nouméa
  • Les activités de l’Eglise
  • L’installation d’une petite structure scolaire (primaire qui durera jusqu’en 1967)

La dénomination alors sera : Le Foyer protestant de Taragnat Vallée des Colons. On y trouvera  successivement un restaurant  tenue par La Croix Bleue en 1952, un camp scout pour les fêtes du cinquantenaire de la prise de possession française en 1953, un internat pour les garçons du Lycée Lapérousse en 1969 après la construction de nouveaux locaux en 1961, puis celui de Blaise Pascal en 1976-1977.

En 1958, est constituée à Do Néva Houailou, l’Alliance Scolaire de l’Eglise Evangélique (ASEE) sous la forme d’une association de type 1901. L’ASEE entend conduire un objectif principal autour de l’Ecole. En 1960, l’Eglise Evangélique en Nouvelle-Calédonie et aux îles Loyauté obtient son autonomie vis-à-vis de la Société des Missions de Paris (SMEP). Le Foyer devient donc, de fait propriété de l’EENCIL. En 1978, des élèves des deux premiers collèges de l’ASEE, de Do Neva et de Havila y sont logés en internat, et sont inscrits au lycée Blaise Pascal, établissement de la DDEC (Direction diocésaine de l’enseignement catholique).

En 1979, l’EENCIL se prononce lors de son Synode Général à Goaru Houailou, pour la formation des hommes,  pour une prise de responsabilités des enfants du pays, dans un objectif à long terme d’indépendance du jeune pays. (Voir en annexe le texte en question) Pour convertir cette prise de position, le Foyer de Taragnat devient en mars 1979, le Lycée Do Kamo avec 54 élèves de seconde et  4 professeurs.

Voici en intégralité la déclaration du Synode de Goaru. Le Synode dans le protestantisme est l’organe qui impulse les grandes orientations de l’Eglise. Dans l’EENCIL, il y a deux niveaux de décisions :

  • Le niveau général, à l’échelle de toute la Nouvelle-Calédonie, c’est le cas ici, puis
  • Le niveau régional, on parle de synode régional,  l’EENCIL est divisée en 4 régions (La Grande-Terre, Lifou, Maré, Ouvéa)

Toutes ces décisions sont appliquées par le Conseil Supérieur de l’Eglise, sorte de gouvernement avec le président et son bureau.

Les faits du 13 mai 1985

Le lundi 13 mai 1985, la Nouvelle-Calédonie vit la période forte de cette séquence révolutionnaire. Nouméa est sous tension. Il est environ 19h45, les garçons sont en étude dans le bâtiment B actuel, les filles le sont à l’internat. Au réfectoire, dans l’actuel CDI, d’autres élèves terminent le service en compagnie du personnel de cuisine. D’après un couple de Lifou, habitant en face du Lycée, une camionnette de type 504, s’est arrêtée dont serait descendu un individu portant un carton enflammé. Il aurait déposé ce colis à l’entrée, avant de disparaître rapidement avec deux complices qui l’attendaient dans la voiture. L’explosion qui a secoué le quartier a soufflé le portail et le petit faré d’entrée en forme de case ronde. Plusieurs vitres et volets ont aussi été brisés, dans les bâtiments du lycée mais aussi sur toute la rue en face et  aux alentours. Plusieurs sont blessés par les bris de vitres. Le seul blessé sérieux qui a nécessité une évacuation, a été la femme de service. Elle a plus été choquée que réellement touchée. Plusieurs témoins de cet évènement sont encore avec nous au lycée : il s’agit de Nasaie, surveillante d’internat à l’époque qui revenait alors vers le lycée pour chercher les autres filles pour l’étude. L’explosion survient alors qu’elle est au niveau de l’actuel salon de coiffure, Enga,  femme de service, venait de rentrer chez elle de puis 5 minutes, en haut du magasin les « Colombes », Paul Oudard a entendu l’explosion depuis sa maison du Vallée du Génie,  apprenant par la Télévision que cela venait de Do Kamo, il accourt aussitôt. Jacques Boyer était aussi déjà professeur au lycée, ainsi que Catherine Poedi.  Imaginons que ce colis piégé explosait 15 minutes avant le moment où les élèves étaient en discussion devant l’entrée avant l’étude. Quand la bombe a éclaté, Robert Mollet, le directeur de l’époque et Catherine Poedi qui habitaient dans deux maisons voisines, à proximité du lycée, ont su que c’était Do Kamo et sont venus tout de suite. Depuis plusieurs semaines en effet, le lycée faisait l’objet de menaces diverses, téléphoniques entre autre ; c’est pourquoi le personnel avait pris l’habitude de fermer le portail. C’est pourquoi la bombe n’a pu être déposée que sur le trottoir devant le portail.  On peut se demander combien de blessés elle aurait fait  si elle avait été mise à l’intérieur… On peut se poser la question de savoir si cela a été intentionnellement voulu pour intimider ou pour véritablement tuer. Il s’agit de questionnements que nous pouvons émettre après coup, aujourd’hui.

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Voici la « Une » des Nouvelles-Calédoniennes du 14 mai 1985 et l’article traitant de l’évènement, récupéré aux archives territoriales.

3 réponses
  1. avatar
    Ounei Suzy dit :

    Bonjour
    Le 13/05/1985 restera pour moi un jour inoubliable! J’y étais car j’étais scolarisée . J’ai encore l’image de cette fameuse soirée où l’on courait dans tous les sens pour chercher d’où venait le bruit. On était à l’internat des filles et ce soir là une partie des filles s’était maquillée , chose que l’on ne faisait jamais et l’on était descendue au réfectoire qui se situait à l’intérieur du Lycée ainsi que l’internat des garçons. Je me rappellerai toujours que ce soir là c’était la classe de 1ére G , la bande à Tom Ounei et compagnie qui était de service et lorsque la bombe a explosé j’avais un neveu le fils de Oumbouy Oupinou qui venait de se faire dégager des escaliers par Tom , je crois autrement il aurait ramassé car il n’était pas loin de l’endroit où était posé la bombe.Pas assez de place pour tout raconter. J’ai la chair de poule quand je repense à ce moment là. Merci quand même d’avoir pensé à ce jour là . Do kamo , vrai homme. Suzy de ÏAAÏ

  2. avatar
    HONEME dit :

    Personnellement je ne savais pas l’histoire de la bombe ! Franchement cela m’a choqué. Le contenu de l’article est vraiment très intéressant. Je conseille donc à prendre d’avantage connaissance…

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